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Dans son témoignage sur son expérience au DESLH, Adamou Dodo, Coordinateur des Opérations chez Save the Children Espagne, partage une réflexion approfondie sur le leadership, illustrant l’évolution de sa méfiance initiale à une approche plus inclusive et stratégique. Adamou met en avant son engagement fort pour un leadership éthique et inclusif, en insistant sur l’intégrité, la transparence et l’autonomie des acteurs locaux.
Pour quelle(s) raison(s) avez-vous cherché à suivre une formation en leadership humanitaire ?
Au départ, j’avais une certaine méfiance vis-à-vis du leadership, que j’associais à une structure trop hiérarchique et rigide. Pour moi, l’autorité était souvent synonyme de contrôle plutôt que d’émancipation collective. Mais un ancien superviseur, lui-même diplômé du Diplôme d’Études en Leadership Humanitaire de Deakin University, m’a encouragé à reconsidérer cette perception.
Avec plusieurs années d’expérience sur le terrain, je faisais face à des questions qui dépassaient l’aspect purement technique de mon travail :
- D’un point de vue éthique, quel est l’impact réel de l’aide humanitaire face à des crises de plus en plus complexes ?
- Sur le plan opérationnel, comment concilier l’urgence et la transformation durable des communautés ?
- D’un point de vue stratégique, comment sortir du statu quo et innover face aux grands défis comme le changement climatique ou les conflits prolongés ?
J’ai donc vu cette formation comme une opportunité de prendre du recul et d’acquérir des outils concrets pour :
- Repenser les dynamiques de pouvoir avec un leadership inclusif, centré sur les communautés locales,
- Intégrer des approches adaptatives et innovantes, notamment pour gérer des crises en évolution rapide,
- Mieux négocier avec des acteurs variés, y compris des partenaires non étatiques
À court terme, l’objectif était de renforcer mon impact au sein de mon organisation. À moyen terme, je voulais contribuer à une transformation plus large du secteur, en particulier sur les enjeux de localisation et de redevabilité.
Qu’est-ce que le cursus vous a apporté, personnellement et professionnellement ?
Sur le plan personnel, ce diplôme a profondément transformé ma vision du leadership. Grâce à la Matrice des Comportements de Leadership, j’ai pu identifier mes propres limites – comme une certaine méfiance envers les hiérarchies ou des difficultés à déléguer – et les transformer en leviers de progression.
Les exercices d’introspection et les échanges avec la cohorte m’ont permis d’adopter des pratiques plus inclusives, en m’inspirant des expériences et retours des autres participants.
Professionnellement, j’ai appliqué ces apprentissages immédiatement. J’ai intégré la Matrice de Leadership dans la gestion de mes équipes, en tenant compte des dynamiques multiculturelles, et renforcé l’intégrité comme pilier central, notamment lors de négociations avec des partenaires aux intérêts parfois divergents. Lorsque la situation exigeait d’être direct, j’ai pu l’être avec justesse, et quand il était nécessaire de lâcher prise pour laisser le groupe ou d’autres membres avancer, je sais me mettre en retrait.
Un point clé de cette formation a été la notion d’intégrité. Dans un secteur marqué par des défis structurels – dépendance aux bailleurs, concurrence entre ONG – j’ai appris à rester aligné avec mes valeurs, à promouvoir la transparence et surtout à encourager l’autonomie des acteurs locaux, en évitant toute posture paternaliste.
Mais la plus grande révélation ?
Le leadership humanitaire n’est pas une autorité qu’on impose, c’est une résilience qu’on co-crée.
Aujourd’hui, que ce soit dans le plaidoyer ou le conseil stratégique, je me vois comme un pont entre le terrain et les politiques, avec un objectif clair : faire en sorte que chaque décision renforce réellement les communautés, sans répéter les erreurs du passé.
Quel impact avez-vous pu observer notamment sur vos compétences professionnelles en tant que leader humanitaire et ce depuis que vous avez complété le cursus ?
Depuis la fin du cursus, j’ai pu observer des changements significatifs dans ma manière d’exercer mon rôle de leader humanitaire, notamment dans un contexte de raréfaction des ressources et de nécessité d’adaptation stratégique.
D’abord, le cursus m’a permis d’améliorer ma conduite du changement et de la transformation, ce qui s’est traduit par des actions concrètes. Par exemple, le processus de cartographie des organisations locales que je supervise au sein de mon organisation est presque achevé. Cela nous permettra d’engager des réflexions approfondies et de co-construire des partenariats plus efficaces avec les acteurs locaux.
Ensuite, sur le plan du leadership, j’ai appris à adapter mon style de management en fonction du contexte. Aujourd’hui, je travaille davantage à développer l’autonomie de mes collaborateurs en leur fournissant régulièrement des feedbacks, dans une approche axée sur l’écoute et la collaboration. Cette évolution a renforcé la cohésion de mon équipe et sa capacité à s’approprier pleinement ses missions.
Enfin, dans un secteur où les financements sont de plus en plus limités, je contribue activement aux réflexions visant à améliorer l’efficience de l’aide humanitaire. La situation actuelle, bien que complexe, est aussi une opportunité de renforcer la localisation de l’aide et d’assurer une meilleure représentativité des acteurs locaux dans la conception et la mise en œuvre des stratégies humanitaires.
Bien que des incertitudes demeurent dans notre secteur, je me sens aujourd’hui plus confiant et mieux équipé pour naviguer dans ces défis, en intégrant à la fois une vision stratégique, un leadership adapté et une approche collaborative.